50px

Le droit au logement des Montréalaises: on y travaille, et vous? 

25px
Bloc main.blocs.custom-contents

L’accès aux logements sociaux et communautaires

Les listes d’attente des organisations témoignent du manque de logements sociaux et communautaires à Montréal. Cette pénurie alimente l’engorgement des logements transitoires et des ressources d’hébergement d’urgence. Outre le manque de place, les groupes signalent des obstacles en matière d’accès et des sources d'exclusion :

  • la méconnaissance des logements pour femmes existants et disponibles;
  • la lourdeur de la procédure d’attribution;
  • les critères d'admissibilité et les règlements des organisations;
  • le manque de ressources pour celles ayant des situations de vie complexes.

Il n’y a pas de solution miracle : il faut soutenir le développement d’une diversité de ressources d’hébergement et de logements permanents accessibles, inclusifs et qui offrent différents niveaux et types de soutien pour répondre aux besoins variés des Montréalaises.

Les groupes de femmes se mobilisent pour développer ces projets. Il est tout aussi important de financer le soutien communautaire que la construction des logements et des espaces communautaires associés. Les groupes en ont assez de faire des concessions sur la conception des logements, des milieux et des services offerts sur place.

Quels sont les logements sociaux et communautaires à Montréal?

Comme le souligne la figure 5, 60 % des ménages montréalais sont locataires (CMM 2021). L’île compte 65 695 logements sociaux et communautaires, lesquels représentent 13 % des logements locatifs et 8 % de l’ensemble des habitations. Ces logements en HLM, coopératives et OSBL d’habitation sont un filet de sécurité pour les personnes qui ne peuvent se loger sur le marché privé. Ce sont, en principe, d’excellentes avenues pour celles qui souhaitent quitter durablement un contexte de violence, retrouver une stabilité résidentielle ou accéder à un logement adapté aux personnes en situation de handicap (Conseil des Montréalaises 2019), ainsi que pour les locataires aînées qui subissent des pressions de la part de leur propriétaire (Simard 2020).

Une partie de ces logements reçoit une aide financière par l’intermédiaire du programme de supplément au loyer (PSL). À Montréal, 13 166 ménages (2,5 % des ménages locataires) bénéficient du PSL, ce qui leur permet de consacrer un maximum de 25 % de leur revenu à leur loyer. Les locataires en logement privé peuvent aussi profiter du PSL.

La figure illustre la place marginale qu'occupe les logements sociaux et communautaire occupent au sein de l'ensemble des logements Montréalais.

Attendre qu’une place se libère

Plus de 23 000 ménages montréalais sont en attente d’un logement en HLM (OMHM 2021). Le délai moyen est de cinq ans, mais l'attente est plus long pour un logement accessible et adaptable ou pour une famille nombreuse (OMHM 2020). Par manque d’entretien, plusieurs centaines de HLM sont actuellement barricadés et inhabités. Entre autres grâce aux fonds obtenus par la Stratégie nationale sur le logement du gouvernement fédéral, l’Office municipal d’habitation recevra une somme supplémentaire de 100 millions pour rénover ces HLM (SHQ 2021a).

Image d'une file d'attente devant un immeuble. On retrouve au-dessus une horloge détraquée.

La plupart des organisations qui offrent du logement social observent une hausse du nombre de demandes avec la pandémie. Certaines organisations ont même suspendu leur liste d’attente pour ne pas créer de faux espoirs.

« Depuis le mois de mars 2020, les demandes ont triplé. » (Mon toit, mon Cartier)

« Nous avons actuellement 62 femmes sur notre liste d’attente et très peu de logements disponibles. Toutefois, nous avons dû la suspendre temporairement pour éviter de créer de fausses attentes. » (Réseau habitation femmes)

La situation est particulièrement préoccupante pour les maisons d’hébergement de deuxième étape. Ces ressources offrent des logements transitoires pour une période allant jusqu’à deux ans afin de poursuivre le travail entamé en maison d’hébergement. En plus de protéger les femmes et leurs enfants de leur ex-conjoint·e, ces ressources aident les femmes à se reconstruire et à retrouver une vie stable, ce qui permet de briser le cycle de la violence, mais aussi de prévenir l’itinérance (Tanguy, Cousineau, et Fedida 2017). Mais ces ressources peinent à remplir leur mission : environ 75 % des demandes sont refusées, faute de place. Sur 54 places à Montréal, aucune n’est accessible aux personnes à mobilité réduite (Marin 2021). Certaines organisations travaillent néanmoins à combler cette importante lacune par de nouveaux développements.

La crise du logement complique le processus de quitter un hébergement d’urgence. Normalement, les femmes victimes de violence ont un accès prioritaire aux places en HLM. Cela peut quand même prendre plusieurs mois, car très peu de logements se libèrent, d’autant que certaines ont plusieurs enfants ou ont besoin d’un logement adapté. D’ailleurs, certaines femmes qui fuient un contexte de violence ne sont pas reconnues comme prioritaires pour une place en HLM, car elles logent chez des proches plutôt qu’en maison d’hébergement.

Enjeux d’accès et d’inclusion

Au-delà du manque de places, divers enjeux créent des exclusions. Pour avoir droit au PSL régulier, par exemple, il faut avoir résidé au moins 12 mois sur le territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) au cours des deux dernières années, avoir ses impôts à jour et être citoyenne ou résidente permanente.

« Il y a un manque criant de logements subventionnés et sécuritaires pour répondre aux besoins pluriels des femmes à risque ou en situation d’itinérance. Des critères trop restrictifs de l’OMHM tels l’exclusion d’un logement subventionné pour une durée de 3 ans si non-paiement de loyer, pénalisent les femmes à statut précaire ou aux prises avec de multiples problématiques sociales. » (Les Maisons de l’Ancre)

En plus des délais dus aux listes d’attente, les documents requis ainsi que la lourdeur bureaucratique associée à l’attribution d’un logement social créent d’autres barrières. De plus, chaque OSBL ou coopérative d’habitation a sa propre mission et ses procédures de sélection, ce qui multiplie les démarches pour trouver une place. L’accès est particulièrement freiné pour celles qui sont allophones ou analphabètes et celles qui ont de mauvaises expériences avec les programmes institutionnels.

Image d'une liste de contrôle qui comporte plusieurs x en rouge.

Le soutien offert, entre autres par les groupes de femmes, pour les demandes de logements sociaux est presque essentiel pour s’y retrouver et accéder à un logement (Garnier, Bernard, et Lacharité 2020). Ces groupes soutiennent les femmes dans la recherche d’une place, l’obtention des documents nécessaires (impôts, preuves de résidence, attestations, etc.), la préparation aux entrevues et le déménagement.

« Les démarches pour accéder à un programme sont souvent perçues comme des montagnes (ex. : demander aux femmes itinérantes des preuves d’adresse pour les 12 derniers mois ou des déclarations d’impôt), sans oublier les difficultés reliées à l’analphabétisme et la compréhension alors que tous les programmes demandent des formulaires de plusieurs pages et avec des formulations plus ou moins faciles. » (Réseau habitation femmes)

Plusieurs soulignent les difficultés à trouver des ressources adéquates qui prennent en compte la complexité des réalités des femmes. Les organisations tendent à se concentrer sur une seule problématique, voire à avoir des restrictions d’âge, par exemple pour les mères de moins de 25 ans. De plus, elles ne sont pas toujours outillées pour bien accompagner les femmes qui vivent des situations complexes liées aux violences sexuelles récentes ou antérieures, la violence post-séparation, l’immigration, la judiciarisation, la DPJ, la santé mentale, la consommation de drogue, le stress post-traumatique, etc. Certaines organisations ne sont pas adaptées ou ont des règles qui ne correspondent pas à ces populations, par exemple l’interdiction d’avoir un chien, d’être en couple, de faire du travail du sexe ou de consommer des drogues. Ainsi, le manque de logements sociaux et communautaires fait en sorte que les femmes ne peuvent pas choisir leur milieu de vie. Elles doivent se saisir du premier logement qui s’offre à elles, et ce, même si le quartier, le milieu de vie, les règles et le soutien offert ne leur conviennent pas.

« Une de nos difficultés est de trouver des ressources qui sont adaptées aux réalités des femmes de notre communauté. Des logements qui sont abordables, sécuritaires, mais qui sont aussi ouverts aux visiteurs et couples, permettant aux femmes de garder leur réseau social et leurs supports. » (Projets Autochtones du Québec)

« Il est difficile de trouver une référence appropriée pour les femmes que l’on accompagne, souvent, elles ne cadrent pas dans les services en raison de leur situation complexe (stress post-traumatique, précarité, consommation, victimes de violence, etc.). » (Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle)

« La majorité des femmes à qui nous offrons des services sont à l’intersection de plusieurs grandes difficultés. Peu de ressources s’adressent à la personne dans son entièreté. Pour donner un exemple parmi tant d’autres, ceux qui répondent à l’aspect de consommation ne répondent pas nécessairement aux problèmes d’ordre physique qui en découlent, ou vice versa. » (La rue des femmes)

« Les références sont plus difficiles, beaucoup d’enjeux concernant les enfants et la DPJ (qui a elle aussi ses demandes qui ne concordent souvent pas avec les besoins de la femme). Des enjeux de sécurité, aussi (ex. : une femme qui vit de la violence conjugale, mais qui est suicidaire… quelle est la meilleure ressource?). » (Multi-Femmes)

Actuellement, les logements sociaux et communautaires développés par l’intermédiaire du programme AccèsLogis exigent qu’au moins 50 % des entrées du bâtiment soient sans obstacle et que 10 % des logements puissent être adaptés. Ainsi, les nouveaux logements sociaux devraient améliorer l’offre d’unités accessibles et adaptables grâce aux normes établies. Mais encore aujourd’hui, le milieu de la construction et de l’habitation a peu de connaissances, d’intérêt et de sensibilité quant aux questions d’accessibilité, ce qui se répercute sur les nouveaux logements et l’inclusion des personnes en situation de handicap. Par exemple, ces personnes tendent à être sélectionnées en fin de développement, alors que leur intégration au projet en amont permettrait d’adapter les logements plus efficacement (Conseil des Montréalaises 2019).

Besoins de nouveaux projets

Les groupes ayant répondu à notre questionnaire ont identifié les projets à développer pour réduire les listes d’attente et les refus dans leurs organisations. Les Montréalaises mal logées étant plurielles, il n’y a pas qu’un type de projet à développer. Il faut développer des places en hébergement d’urgence à haut seuil d’inclusion (travail du sexe, consommation de drogues, avec animaux, personnes trans), des logements transitoires à court et long terme, des maisons d’hébergement de deuxième étape, des logements sociaux permanents avec divers degrés de soutien et des coopératives d’habitation. Les groupes ont également insisté sur des projets visant certains secteurs ou encore des populations qui ont plus de difficulté à se loger. Il est notamment question des familles ayant des enfants avec des difficultés, des femmes autochtones, des personnes immigrantes nouvellement arrivées, demandeuses d’asile ou sans statut, des aînées de la diversité sexuelle, des femmes qui quittent l’industrie du sexe et des familles qui quittent un contexte de violence.

Une enquête auprès des Autochtones fréquentant des organisations montréalaises révèle que la majorité des femmes inuites ou membres des Premières Nations qui habitent actuellement Montréal ne souhaitent pas forcément retourner dans leur communauté d’origine (Latimer, Bordeleau, et Méthot 2018). Leurs préférences en matière de logement sont diverses : logements autonomes avec subvention, logements permanents dans un immeuble réservé aux communautés autochtones et offrant des services culturellement adaptés, logements subventionnés, logements temporaires, refuges autochtones ou maisons de chambre. Elles veulent pouvoir choisir leur milieu de vie.

Image de trois bâtiments résidentiels comportant des logements de taille diverse et adaptés à différentes réalités.

Les aînées de la communauté de la diversité sexuelle désirent accéder à des logements qui s'inscrivent dans des milieux de vie qui leur permettent de vieillir ensemble, en santé et en sécurité. Elles sont souvent oubliées et invisibilisées. Toutefois, elles se mobilisent et pensent à des projets comme la future Maison des RebElles. À terme leur projet offrira, entre autres, un environnement propice au soutien et à l'entraide avec des espaces communautaires pour se rassembler et la possibilité de librement accueillir des membres de leur famille choisie qui viennent les visiter ou les soutenir lors d'une convalescence (Projet LoReLi 2021).

« Comme nous pouvons le constater à travers l’histoire, une des principales forces des communautés lesbiennes est d’être capable de se mobiliser et de générer des actions concrètes afin de ne pas être oubliées. Nous le savons, personne ne pense à nous! De ce fait, nous devons nous organiser et créer des ressources qui répondent à nos attentes, mais surtout à nos besoins. » (Réseau des lesbiennes du Québec)

Dans l’ensemble de ces projets, il est crucial d’appliquer les principes d’accessibilité universelle dans les entrées et les aires communes. Il faut également prévoir des unités adaptables et faire la sélection des locataires en situation de handicap tôt dans le processus pour assurer l’adaptation du logement selon les besoins et réalités de ces femmes (Garnier, Bernard, et Lacharité 2020). Cette intégration permet de réduire les coûts de construction et les délais, en plus d’assurer l'inclusion des femmes en situation de handicap au projet (Conseil des Montréalaises, 2019). De tels projets donneraient également aux femmes le choix d’habiter où elles le désirent au lieu d’être contraintes de vivre dans l’un des quelques logements disponibles.

Quels sont les défis liés à la vie en logement social et communautaire?

Image de cléLes femmes sont majoritaires dans toutes les formes de logements sociaux à l’exception des OSBL d’habitation mixtes pour personnes seules à risque d’itinérance. Par sa recherche-action, la Fédération des OSBL d’habitation de Montréal (FOHM) a bien souligné que les femmes ne se sentent pas toujours en sécurité dans ces milieux : elles sont nombreuses à subir de l’intimidation et du harcèlement dans les espaces communs (Garnier, Bernard, et Lacharité 2020). De son côté, la Fédération de l’habitation coopérative du Québec — Fédération des coopératives d’habitation intermunicipale du Montréal métropolitain (FHCQ — FECHIMM) a bien documenté les enjeux qui freinent la participation des femmes au sein des coopératives d’habitation. Il est notamment question d’articulation travail-famille, de stéréotypes sexuels et de préjugés sexistes, mais aussi de violence, d’intimidation et de harcèlement (FECHIMM 2018).

Le soutien communautaire en logement social est un important pilier pour la stabilité résidentielle de celles qui ont été en situation d’itinérance, mais également de celles qui font des démarches (ex. : mettre fin à des relations violentes, retour aux études, recherche d’emploi, réunification des familles, quitter le milieu carcéral) (Whitzman et Desroches 2020; Savard 2018; Garnier, Bernard, et Lacharité 2020). Ce soutien est également crucial pour désamorcer des conflits, dépister la violence et favoriser l’engagement des locataires.

70% des groupes répondant qui offrent du logement ou de l’hébergement pour femmes à Montréal ont suspendu les activités associées au soutien communautaire ou à la vie associative durant la pandémie. La même proportion a établi de nouvelles pratiques pour rejoindre et soutenir les femmes à travers la pandémie. Ces activités se déroulent à distance par vidéoconférence ou par téléphone. Une attention particulière a été portée à celles qui vivent de l’isolement, n’ont pas accès à internet ou sont à mobilité réduite, et ce, en utilisant le téléphone, le courrier, les visites à domicile, la livraison de denrées alimentaires et les marches solidaires. Certains groupes ont mis sur pied des camps de jour pour les enfants des résidentes, des bibliothèques de trousses d’activités et des points d’accès à internet dans leurs locaux.

« Nous avons adapté certains de nos services pour pouvoir continuer de répondre aux besoins des femmes. Certaines activités ont été adaptées à la réalité de la pandémie, comme l’art-thérapie qui se fait par Zoom, des rencontres thérapeutiques qui se font par téléphone. Nous avons maintenu certaines des activités individuelles en présence, tout en respectant la distance. » (La rue des femmes)

« Nous avons adapté nos services aux services virtuels afin de continuer d’offrir un suivi aux femmes. Nous avons adapté nos ateliers et activités en respectant les mesures de distanciation, cela pour permettre aux femmes hébergées d’avoir des activités. Elles ne peuvent pas être plus de trois à la fois. Pour les femmes externes, nous proposons des ateliers de groupe et des cafés-rencontres sur Zoom. Cela aide à briser l’isolement de certaines. » (Maison Dalauze)

Entre autres grâce aux fonds d’urgence, certaines organisations ont offert davantage de soutien pour contrer les effets de l’isolement. Toutefois, les organisations n’ont pas un financement stable et récurrent pour assurer ce soutien essentiel (Savard 2018). Cela se répercute sur les locataires, certains programmes devant réduire leurs activités de soutien, faute de financement. Cette instabilité du financement, qui précède la pandémie, empêche certaines organisations de développer de nouveaux projets ou les pousse à réduire le niveau de soutien offert, et donc à demander davantage d’autonomie aux locataires (Whitzman et Desroches 2020). Le cas échéant, ces organisations sont forcées de refuser les femmes qui ont besoin de plus de soutien.

Comment les groupes de femmes s’engagent-ils dans l’amélioration de l’offre de logements sociaux et communautaires?

Les groupes de femmes s’investissent dans le développement de nouveaux logements sociaux depuis des décennies. La consultation a souligné que ces logements sont peu connus. Seule la moitié des groupes mixtes ayant répondu à notre questionnaire indiquent avoir une bonne connaissance des ressources d’hébergement et de logements sociaux destinés aux femmes (53 %). Certains efforts sont déployés pour faciliter le référencement. Plusieurs organisations s’engagent dans le milieu par l’intermédiaire de comités, de formations et d’actions pour porter leurs besoins, mais également faire connaître leur offre de logement auprès de divers partenaires. Le Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM) publie un bottin des ressources d’hébergement et de logement pour faciliter ce référencement (RAPSIM 2017).

Image de logements en construction avec des femmes sur le chantier.

Depuis 2002, 32 organisations se sont engagées dans le développement de 42 projets de logements communautaires dédiés aux femmes. Ces logements s’adressent aux femmes seules et cheffes de familles monoparentales à risque d’itinérance, qui quittent un contexte de violence ou qui entreprennent des études. Certains sont réservés aux jeunes ou encore aux femmes plus âgées. Ces projets représentent 842 logements construits, habités ou en cours de construction. Ils comptent entre 5 et 49 unités (20 en moyenne) (Ville de Montréal 2021b).

Comme l’illustre la figure 6, la majorité de ces logements sont situés dans les quartiers centraux : Ville-Marie (170 logements dans 9 projets), Rosemont—La Petite Patrie (105 logements dans 6 projets), Sud-Ouest (94 logements dans 6 projets) et Plateau Mont-Royal (109 logements dans 3 projets). Ces chiffres trahissent le fait qu’aucun nouveau logement communautaire pour femmes n’a été développé dans plusieurs arrondissements, à savoir Anjou, Lachine, LaSalle, L’Île-Bizard—Sainte-Geneviève, Outremont, Rivière-des-Prairies—Pointe-aux-Trembles, Saint-Laurent, Saint-Léonard et Verdun.

La figure illustre que les nouveaux logements communautaires pour les femmes se concentrent dans les arrondissements suivants: Plateau Mont‐Royal Rosemont – La‐Petite‐Patrie Sud‐Ouest Ville‐Marie

Ces projets ont été financés par le volet 3 du programme AccèsLogis, qui appuie la création de logements temporaires ou permanents avec soutien pour les populations ayant des besoins particuliers. Plus récemment, trois organisations ont développé des projets grâce à l’Initiative pour la création rapide de logements (ICRL) du gouvernement fédéral, et une autre grâce à l’axe 3 de la Stratégie 12 000 logements de la Ville de Montréal. Ces logements dédiés aux femmes représentent un peu plus du quart des projets soutenus par ces trois programmes, à savoir 842 unités sur un total de 3 350 (26 %) (Ville de Montréal 2021b).

Dans notre questionnaire, le tiers des groupes qui offrent du logement ou de l’hébergement pour les femmes à Montréal indiquent que la pandémie les a obligés à ralentir le développement d’un projet de logement social. Elle a néanmoins augmenté le désir d'améliorer l'offre de logements sociaux, notamment en raison de l’augmentation de la violence conjugale et de l’importance d’avoir un logement pour demeurer en santé.

« Notre intérêt à développer n'a pas changé, non, surtout parce qu’on voit encore plus les inégalités et qu’on voudrait que les choses bougent enfin. Notre capacité, oui, parce qu’on ne peut plus se rassembler. » (Multi-femmes)

Plusieurs soulignent l’importance de développer des projets avec des logements qui offrent de l’intimité, une bonne insonorisation, des espaces pour le personnel de l’organisme, des lieux communautaires, du rangement et des espaces verts. Une attention est également portée à l’emplacement pour que les femmes soient près des services dont elles ont besoin au quotidien (ex. : épiceries, pharmacie, garderies, transport en commun, pôles de travail) (Whitzman et Desroches 2020; Garnier, Bernard, et Lacharité 2020). Toutefois, les terrains situés près des services sont souvent très chers ou contaminés.

Comme les logements sociaux développés au fil des ans ont eu recours à divers programmes, il existe plusieurs disparités, par exemple sur le niveau de financement du soutien communautaire, de l’exemption des taxes foncières et des dépenses admissibles lors de la construction (Savard 2018). En raison du sous-financement du programme AccèsLogis, les groupes sont nombreux à devoir faire des concessions sur le nombre de grands logements, la taille de la salle communautaire, les bureaux du personnel et la qualité des matériaux (Savard 2018). Ces compressions entraînent des répercussions sur la qualité de vie sur place, mais également sur les relations entre locataires. Plusieurs groupes font appel à des sources de financement pour développer des espaces communautaires qui permettent d’accueillir des services culturellement adaptés, d’offrir du soutien et de bâtir des communautés.

Image de logements qui s'inscrivent dans un milieu de vie vivant comprenant un jardin, table de pique-nique, modules de jeux, etc.

Comme le démontre la figure 7, l’augmentation du nombre de nouveaux logements communautaires pour femmes a connu un important ralentissement entre 2015 et 2017. Depuis 2018, nous avons retrouvé un rythme de développement comparable au début des années 2000, avec 58 logements par année. Ce retour à la normale est lié aux nouveaux investissements et aux stratégies adoptées ces dernières années.

La figure illustre que le nombre de logements pour femmes développés à Montréal était de d'une cinquantaine entre 2002 et 2014. Ce nombre a chuté à 18 logements par année entre 2015 et 2017. Depuis 2018, il y a un retour à la normale avec 59 logements par année.

Quelles sont les stratégies et politiques actuellement en place pour améliorer l’offre de logements sociaux et communautaires?

Depuis 2020, la Ville de Montréal a mis sur pied son propre programme AccèsLogis, qui devrait résoudre plusieurs problèmes identifiés par le milieu du logement communautaire (ex. : minimum d’unité pour les personnes à mobilité réduite, hausse des coûts admissibles). Toutefois, ce programme reste dépendant du financement provincial. Aucun nouveau financement n’était prévu dans les deux derniers budgets provinciaux. Par conséquent, plusieurs groupes de femmes ont des projets de logements en tête, mais ne peuvent les concrétiser. Il s’écoule donc de plus en plus de temps entre la mobilisation des communautés et l’inauguration des projets. Il n’est pas rare qu’il s’écoule une dizaine d’années entre l’idéation du projet et l’arrivée des locataires. Cela essouffle les organisations et peut freiner leur motivation à se lancer dans un nouveau développement.

En réponse à la crise du logement, les municipalités ont pris différentes mesures pour améliorer l’offre de logements sociaux et abordables. Après une consultation publique, la Ville de Montréal a adopté en 2020 le Règlement pour une métropole mixte. Ce règlement utilise les nouveaux projets résidentiels pour améliorer l’offre de logements sociaux, abordables et familiaux. Le règlement est enfin entré en vigueur au printemps 2021. Reste à voir si les groupes de femmes profiteront de ce nouveau levier.

En 2018, la Ville de Montréal s’était engagée à créer 12 000 logements sociaux et abordables d’ici la fin de l’année 2021 selon cinq axes (Ville de Montréal 2021c) :

  • Axe 1. Développement de logements sociaux et communautaires par les programmes existants
  • Axe 2. Pratiques d’inclusion de logements abordables dans les nouveaux ensembles résidentiels
  • Axe 3. Formules innovantes de logement abordable visant les populations non admissibles aux programmes existants
  • Axe 4. Sauvegarde de l’offre abordable privée et sociale existante par des subventions à la rénovation conditionnelle au maintien de l’abordabilité
  • Axe 5. Soutien à l’acquisition de propriétés abordables (accès condo)

En juin 2021, 10 886 unités ont été créées, ce qui représente 91 % de la cible. Le retard est surtout du côté des 6 000 logements sociaux et communautaires, notamment en raison des faibles investissements de la part du gouvernement provincial (Pelletier 2021).

Il faut néanmoins apporter certaines nuances à ces chiffes. Des 3 761 unités de logements sociaux et communautaires comptabilisés, 2 818 font partie de projets en conception ou en chantier. Rappelons que les « logements abordables » dans cette stratégie ne le sont pas nécessairement pour l’ensemble de la population. La Ville définit le logement abordable comme ayant un loyer ou un prix à l’achat inférieur à la médiane du marché, laquelle ne suit pas la capacité de payer des ménages. Enfin, l’atteinte de cette cible ne comprend pas uniquement de nouveaux logements, car les logements sociaux ou abordables rénovés et sauvegardés sont comptabilisés dans le cadre de cette stratégie (axe 4, 728 unités).

Montréal est l’une des villes ayant reçu des fonds dans le cadre de l’Initiative pour la création rapide de logements (ICRL) du gouvernement fédéral. Ainsi, 56,8 millions de dollars ont été alloués à 12 projets de logements abordables qui offriront plus de 250 logements d’ici le début de l’année 2022. Durant l’été 2021, une seconde entente pour l’ICRL a été conclue et au moins 56,3 millions de dollars iront à la création rapide de logements sociaux et communautaires à Montréal (MAMH 2021). Toutefois, ces investissements fédéraux ne sont pas systématiquement associés à des suppléments au loyer ou à des subventions pour le soutien communautaire, deux compétences provinciales. Les organisations doivent négocier ces subventions avec la Société d’habitation du Québec.

En octobre 2020, une entente a finalement été conclue pour que Québec obtienne les sommes du fédéral associées à la Stratégie nationale sur le logement afin d’élargir et de maintenir l’offre de logements sociaux. Cette stratégie prévoyait consacrer 25 % des investissements aux besoins des femmes, des filles et de leurs familles, mais Québec n’est pas assujetti à cette cible. La province a demandé d'allouer les sommes en fonction de ses priorités, lesquelles sont liées au programme AccèsLogis, qui n’a pas vraiment de population cible.

Comme le souligne le rapport du vérificateur général du Québec, la Société d’habitation du Québec « n’a pas élaboré de stratégie d’intervention ni réalisé d’analyses lui permettant de s’assurer d’une utilisation judicieuse de ses programmes, dont le programme AccèsLogis Québec, afin de maximiser l’aide aux ménages ayant des besoins en matière de logement » (Vérificateur général du Québec 2020, 3). Cette analyse devrait prendre en compte un ensemble d’informations, par exemple les besoins des ménages, le taux d’inoccupation des logements abordables, les tendances démographiques et les capacités de l’industrie de la construction. De notre point de vue, cette stratégie doit s’appuyer sur une analyse différenciée selon le sexe dans une perspective intersectionnelle.

Références

CMM. 2021. « Grand Montréal en statistiques ». Communauté métropolitaine de Montréal. 2021. http://observatoire.cmm.qc.ca/index.php?id=1048&no_cache=1&no_cache=1.

Conseil des Montréalaises. 2019. « Se loger à Montréal: Avis sur la discrimination des femmes en situation de handicap et le logement ». https://bit.ly/3xounFw.

FECHIMM. 2018. « Les coopératives d’habitation: présence des femmes, pouvoir des femmes. Rapport d’évaluation des besoins. » Fédération des coopératives d’habitation intermunicipale du Montréal métropolitain. https://cdn.fechimm.coop/uploads/documents/document/335/rapport-evaluation-projet-femmes-avril2018.pdf.

Garnier, Claire, Audrey Bernard, et Berthe Lacharité. 2020. « La sécurité des femmes dans les OSBL d’habitation pour personnes seules à Montréal ». Fédération des OSBL d’habitation de Montréal et Relais-femmes. http://fohm.org/wp-content/uploads/2020/11/FOHM_Rapport-final-20201124.pdf.

Latimer, Eric, François Bordeleau, et Christian Méthot. 2018. Besoins exprimés et préférences en matière de logement des utilisateurs autochtones de ressources communautaires sur l’île de Montréal. Montréal (Québec): Centre de recherche de l’Hôpital Douglas. http://reseaumtlnetwork.com/wp-content/uploads/2019/02/Besoins-pre-fe-rences-logement-Autochtones-Version-16-fe-vrier-1.pdf.

MAMH. 2021. « Près de 1,5 milliard de dollars pour le logement abordable au Québec ». Ministère des Affaires municipales et de l’Habitation. 13 août 2021. https://bit.ly/3DYvKxh.

Marin, Stéphanie. 2021. « Femmes handicapées violentées: pas de maisons d’hébergement de 2e étape à Montréal ». L’actualité. 16 février 2021. https://lactualite.com/actualites/femmes-handicapees-violentees-pas-de-maisons-dhebergement-de-2e-etape-a-montreal/.

OMHM. 2020. « Rapport annuel 2019 ». Office municipal d’habitation de Montréal. https://www.omhm.qc.ca/fr/publications/rapport-annuel-2019.

———. 2021. « L’OMHM en chiffres | Office municipal d’habitation de Montréal ». 2021. https://www.omhm.qc.ca/fr/a-propos-de-nous/lomhm-en-chiffres.

Pelletier, Guillaume. 2021. « Stratégie de création de 12 000 logements sociaux et abordables: plus des trois quarts de la cible atteints ». Journal de Montréal. 17 février 2021. https://www.journaldemontreal.com/2021/02/17/strategie-de-creation-de-12-000-logements-sociaux-et-abordables-plus-des-trois-quarts-de-la-cible-atteints.

Projet LoReLi. 2021. « Pour contrer la pauvreté et l’insécurité des femmes marginalisées et de leurs familles : un soutien adéquat au logement social et abordable ». Présenté à mémoire déposé au ministre des Finances du Québec dans le cadre des consultations prébudgétaires 2021-2022, janvier. https://bit.ly/3raTKJS.

RAPSIM. 2017. Répertoire des ressources en hébergement communautaire et en logement social avec soutien communautaire. 7e édition. Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal. http://rapsim.org/wp-content/uploads/2020/01/Re%CC%81pertoire-WEB-VF.pdf.

Savard, Andrée. 2018. « Les projets d’habitation pour femmes monoparentales : Des initiatives structurantes à consolider et à développer pour contribuer à l’autonomie des femmes ». Comité consultatif Femmes en développement de la main-d’œuvre. https://ccfemme.files.wordpress.com/2018/08/ccf-avis_meres-monoparentales-et-projets-dhabitation_mars-2018.pdf.

SHQ. 2021. « Le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada ajoutent 100 M$ pour rénover plus de 500 logements d’habitations à loyer modique à Montréal ». Société d’habitation du Québec. 5 mai 2021. https://bit.ly/3l3Sapm.

Simard, Julien. 2020. « Vieillir et se loger en contexte de gentrification : la précarité résidentielle de locataires vieillissantes à Montréal ». Revue du CREMIS, novembre. https://www.cremis.ca/publications/articles-et-medias/vieillir-et-se-loger-en-contexte-de-gentrification-la-precarite-residentielle-de-locataires-vieillissantes-a-montreal/.

Tanguy, Adélaïde, Marie-Marthe Cousineau, et Gaëlle Fedida. 2017. Impact des services en maison d’hébergement: rapport de recherche. Trajetvi et L’Alliance des maisons d’hébergement de 2e étape pour femmes et Enfants victimes de violence conjugale. https://www.alliance2e.org/files/rechercheimpactfinal.pdf.

Vérificateur général du Québec. 2020. « Programme AccèsLogis Québec: réalisation des projets d’habitation ». Dans Rapport du Vérificateur général du Québec à l’Assemblée nationale pour l’année 2020-2021. https://www.vgq.qc.ca/Fichiers/Publications/rapport-annuel/165/vgq_ch04_shq_web.pdf.

Ville de Montréal. 2021a. « Projets de logements sociaux ou communautaires pour personnes ou ménages vulnérables 2002‐2021 : compilation – projets pour femmes ». Service de l’habitation.

———. 2021b. « Stratégie de développement de 12 000 logements sociaux et abordables ». Plans et stratégies. 2021. https://montreal.ca/articles/strategie-de-developpement-de-12-000-logements-sociaux-et-abordables-13890.

Whitzman, Carolyn, et Marie-Eve Desroches. 2020. « Le logement pour les femmes trouver l’équilibre entre la croissance et le care à Montréal, Gatineau et Ottawa ». https://cmhc.ent.sirsidynix.net/client/en_US/CMHCLibrary/search/results?qu=whitzman&te=ILS.

50px