50px

Le droit au logement des Montréalaises: on y travaille, et vous? 

25px
Bloc main.blocs.custom-contents

Soutenir les femmes en difficulté à travers la pandémie et la crise du logement

Les confinements ont enfermé de nombreuses femmes dans des situations de violence et d’abus. Quant aux mesures sanitaires, elles ont bouleversé les stratégies de celles qui sont en situation ou à risque d’itinérance.

La pandémie et la crise du logement ont aussi grandement freiné l’accès aux ressources d’aide. Les femmes qui accèdent aux ressources sont plus épuisées qu’à l’habitude et leur santé mentale s’est fortement détériorée. Le manque de places dans les ressources d’hébergement pour femmes, qui précède la pandémie, s’est intensifié depuis mars 2020. Bon nombre de femmes doivent se tourner vers des ressources qui ne répondent pas à leurs besoins et rester dans des milieux où elles ne se sentent pas en sécurité.

Les organisations épaulent de plus en plus de femmes en situation ou à risque d’itinérance. La pandémie et la crise du logement intensifient les besoins, mais surtout compliquent la possibilité de joindre les femmes et de les accompagner dans leurs démarches. Ce contexte a également d’importantes répercussions sur les conditions de travail, et ce, malgré l’accès à des fonds d’urgence.

Intensification des violences durant la crise sanitaire

Les groupes de femmes ont constaté que la violence conjugale s’est intensifiée avec la crise sanitaire. Les confinements et couvre-feux ont enfermé un grand nombre de femmes dans des situations de violence.

« Les violences ont augmenté. Elles arrivent généralement plus rapidement et elles sont généralement plus graves (plus de voies de fait, de voies de fait graves, de menaces de mort, de tentatives de meurtre, etc.). » (Multi-Femmes)

Image d'une femme recroquevillée sous les insultes et les menaces physiques. Comme l’ont mentionné plusieurs des groupes consultés : il est très difficile d’avoir un portrait juste parce qu’on ne sait pas l’étendue de ce qu’on ne sait pas. Chose certaine, on constate une augmentation des demandes d’aide aux lignes d’écoute (Mélanie Julien 2021). L’organisation SOS violence conjugale a répondu à 41 000 demandes d’aide durant la première année de la pandémie, soit 7 000 demandes de plus que d’habitude (Carrier 2021). En date du 16 novembre, 18 féminicides ont été commis au Québec en 2021. Cette intensification de la violence a également été observée au niveau de la maltraitance de la part des personnes proches aidantes et des abus de la part des propriétaires et concierges.

Ces violences font augmenter le nombre de femmes vivant une forme d’itinérance invisible. Elles se retrouvent dans des logements où leur sécurité est compromise au quotidien. Or, plusieurs recherches ont bien démontré que le passage des femmes à l’itinérance est marqué par la violence de la part de partenaires intimes et par les violences faites aux femmes (Flynn et Cousineau 2021).

Stratégies de survie bousculées pour les femmes en situation ou à risque d’itinérance

Plusieurs groupes consultés lors des groupes de discussion ont indiqué qu’avant la pandémie, de nombreuses femmes n’avaient pas de logement stable et sécuritaire. La COVID-19 a accentué le niveau de détresse de ces femmes. À mesure que les besoins ont augmenté, bon nombre de ressources et d’organismes ont réduit, réorganisé (en ligne ou par téléphone) ou interrompu leur offre de services pour respecter les mesures sanitaires. Plusieurs organismes disent avoir perdu contact avec certaines femmes quand ils ont dû fermer leurs portes lors de la première vague.

Surtout, les mesures sanitaires ont bouleversé les stratégies de survie des femmes en situation d’itinérance ou à risque de le devenir. Pour celles qui vivaient de l’itinérance cachée, il n’était plus possible de dormir chez des proches (couchsurfing) en période de confinement. Les mesures sanitaires ont également entravé l’accès à des lieux publics sécurisants ou qui offrent des services gratuits ou à faible coût. En temps normal, ces femmes utilisent les bibliothèques, centres commerciaux, centres de jour, cafétérias communautaires et restaurants ouverts en tout temps pour se reposer, boire de l’eau et profiter des toilettes, du chauffage, de la climatisation, etc. Il est devenu plus difficile et risqué de recourir à l’économie de rue (ex. : quête, travail du sexe, vente de drogues) et de payer en argent comptant (ex. pour l'achat de titres de transport à la STM).

Image d'une femme qui dort à l'extérieur à côté d'une maison d'hébergement à pleine capacité.

De nombreuses femmes ont l’habitude de se débrouiller dans la rue. Elles ont donc déployé d’autres stratégies qui représentent parfois des dangers pour leur santé et sécurité. Elles ont campé et passé plus de temps à l’extérieur. Cela augmente le risque de vivre des violences physiques et sexuelles, de subir du profilage racial de la part de la police et d’être judiciarisée, surtout avec le couvre-feu. Les femmes autochtones, racisées et travailleuses du sexe ont vécu des discriminations encore plus marquées. Par ailleurs, les problèmes de santé mentale et les risques associés à la consommation se sont accrus.

« En effet, les femmes n’ont plus accès aux endroits habituels pour se réchauffer, manger ou simplement passer la journée en sécurité et sans être vues. […] Pour celles qui sont à la rue, les moyens ont été très diversifiés : certaines se sont dirigées vers les refuges et maisons d’hébergement déjà connus pour elles, d’autres vers les espaces d’urgence mis en place par la ville, d’autres vers les lieux de consommation, chez les clients, en cohabitation avec des amis ou de la famille qui sont parfois aussi en difficulté, et carrément dans la rue… Nous avons aussi vu la situation avec le camping dans Hochelaga, une option que certaines ont choisie. » (La rue des Femmes)

« Les femmes sont coincées dans leur appartement, souvent sans véhicule, sans connexion internet (ou de faible qualité), et parfois dans des situations de violence. Les musées et les bibliothèques, entre autres, étaient prisés pour l’accès à internet et à des ressources gratuites ou à faible coût. Elles habitent des appartements trop petits, peu ensoleillés, ce qui nuit à leur bien-être à la maison. La confidentialité des interventions à distance est à risque. » (Centre de solidarité lesbienne)

D’autres sont restées ou sont retournées avec des proches ou des relations qui les exposent à des situations d’abus et de violence. Par ailleurs, plusieurs intervenantes soulignent que les femmes tolèrent plus longtemps ces violences depuis la pandémie, ce qui expliquerait la baisse de demandes d’hébergement chez certaines organisations. Les organisations sondées et les groupes de discussion ont identifié un ensemble de freins à la possibilité de quitter une situation de violence :

  • le confinement avec la personne violente, qui limite la possibilité de demander de l’aide;
  • la dépendance économique, surtout chez celles qui ont perdu leur emploi;
  • la méconnaissance des ressources existantes;
  • la perception que les services d’hébergement sont fermés ou manquent de places;
  • la crainte de devoir dévoiler son orientation sexuelle ou son identité de genre et d'ensuite subir des micro-agressions;
  • la peur de perdre son logement, surtout pour les femmes en logement social;
  • la peur de se retrouver à la rue;
  • la peur de la contagion en maison d’hébergement;
  • l’isolement, surtout chez celles qui sont réfugiées ou qui n’ont ni voiture ni accès à internet;
  • la crainte de ne pas trouver de logement après l’hébergement.

 

Pour surmonter certains de ces obstacles, les organisations ont mis en place de nouvelles pratiques, notamment le soutien téléphonique et par texto. Certaines pharmacies se sont jointes au mouvement en fournissant un lieu sécuritaire pour joindre SOS violence conjugale de manière confidentielle.

Les travailleuses remarquent que les femmes qui arrivent en hébergement sont plus épuisées qu’à l’habitude. De façon générale, la santé mentale des femmes s’est fortement détériorée au cours des derniers mois, notamment en raison de l’isolement, du stress, d’une plus grande consommation de drogues et de l’accès plus difficile aux soins. Résultat : anxiété, épuisement, paranoïa, dépression, idées suicidaires, etc. Ces enjeux de santé mentale ont des impacts sur la stabilité résidentielle. Premièrement, ils entraînent chez certaines une plus grande désorganisation, ce qui finit par mener à des problèmes de logement, voire d’éviction (insalubrité, bruits excessifs, conflits de voisinage, etc.). Deuxièmement, l’accompagnement pour la recherche de logement devient plus difficile. Troisièmement, il est plus compliqué de dénicher un logement qui offrira un niveau de soutien adéquat selon les besoins et le niveau d’autonomie de la locataire.

L'hébergement en première ligne offert par les groupes de femmes

Avant la pandémie, les femmes peinaient déjà à accéder à des services d’hébergement en raison du manque criant de places en milieu non mixte. À Montréal, le nombre de refus en maison d’hébergement pour femmes en difficulté a presque doublé dans la dernière décennie, passant de 17 871 à 36 158 entre 2010 et 2019 (Partenariat pour la prévention et la lutte à l’itinérance des femmes 2019).

« Les ressources d’hébergement vers lesquelles nous référons sont souvent elles-mêmes pleines et incapables de répondre aux demandes/besoins rapidement. Comment gérer cela avec la personne qui se voit ballottée d’une ressource à l’autre, faute de places? » (Comité d’action des citoyennes et citoyens de Verdun)

« Nous refusons plusieurs demandes d’hébergement chaque jour. Par exemple, pour l’année 2019-2020, nous avons refusé 6 303 demandes d’hébergement par manque de place. » (Auberge Madeleine)

Image d'une maison soutenue par deux mains ayant un centre le signe de femme et au dessus un coeur.

Cette pénurie de place affecte particulièrement certains quartiers (ex. : Montréal-Nord et Mercier-Est). Il y a un manque de refuges ayant des infrastructures et services adaptés et inclusifs aux réalités plurielles. Cet enjeu touche notamment celles qui sont de la diversité sexuelle et de genre, en situation de handicap, usagères de drogues, travailleuses du sexe, avec leurs enfants, accompagnées d’un animal de compagnie, considérées ayant un trouble de santé mentale trop sévère ou ne parlant ni français ni anglais (Dufort 2019).

Alors que les ressources d’hébergement étaient déjà débordées, les mesures sanitaires ont diminué les capacités d’accueil et complexifié l’accès (par des quarantaines, entre autres). Le manque de places d’hébergement pour femmes a été soulevé par de nombreuses organisations dans les groupes de discussion et le questionnaire. Celles-ci opèrent au maximum de leur capacité et doivent refuser des femmes :

« Nous avons dû refuser 96 hébergements d’avril à décembre 2020. » (Le Parados)

« Nous recevons en moyenne 20 demandes d’hébergement par semaine auxquelles nous ne pouvons répondre. Un triste constat qui témoigne des obstacles d’accessibilité au logement et des besoins en termes de soutien communautaire pour les femmes en difficulté. » (Les Maisons de l’Ancre).

Certaines organisations disent avoir été incapables de trouver un hébergement pour certaines femmes. Faute de place, plusieurs femmes se sont tournées vers des ressources mal adaptées à leurs besoins, comme des hébergements mixtes où elles ne se sentent pas en sécurité ou des organisations qui ne sont pas formées sur l'accueil de la diversité sexuelle et de genre. Les femmes de la diversité sexuelle et de genre hésitent à utiliser certains services et ressources mixtes du fait que la majorité des violences subies par ces dernières proviennent de la sphère publique (espace public, travail, contexte scolaire et services publics) (Fontaine, Antoine, et Vaillancourt 2021). Quant aux femmes en situation de handicap, le manque de ressources accessibles les force à rester dans des situations de violence, à aller vers des proches ou à recourir aux ressources d’hébergement pour personnes aînées (Conseil des Montréalaises 2019).

Mesures d'urgence

À Montréal, des mesures d'urgence ont été établies pour affronter les vagues de COVID-19 au printemps et à l’hiver. Ces ressources n’offraient qu’une réponse partielle aux besoins exacerbés par la crise. Les groupes de femmes ont été peu écoutés. Leur expertise et leurs recommandations n’ont pas été pleinement intégrées, et ce, malgré qu’ils soient régulièrement consultés sur les questions liées à l’itinérance.

Prenons l’exemple des ressources temporaires d’hébergement. Ces ressources, qui ont été fréquentées par un certain nombre de femmes, étaient néanmoins calquées sur des modèles conçus pour une population majoritairement masculine. La plupart ne permettaient donc pas d’offrir un confort minimum aux usagères : chambres individuelles, repas chauds, douches, heure de réveil imposée, etc. Ces refuges comptaient une forte présence de personnes à la sécurité plutôt qu'au soutien psychosocial. De plus, ils ne comportaient pas systématiquement de zones non mixtes sécurisées. Lors de la première vague, une seule ressource d’urgence était dédiée exclusivement aux femmes, mais elle était la seule à ne pas être ouverte 24 heures sur 24 dès le début.

Nous craignons que les femmes refusent davantage d’utiliser les ressources et, par exemple, qu’elles retournent habiter avec une personne violente, d’autant que les campements sont régulièrement démantelés. Comme nous le mentionnons plus haut, le débordement se vit année après année, hiver comme été, qu’il y ait ou non pandémie. Plusieurs maisons d’hébergement pour femmes ne reçoivent toujours pas de financement pour l’ensemble des lits qu’elles offrent, et estiment donc que les mesures d’urgence sont insuffisantes (Partenariat pour la prévention et la lutte à l’itinérance des femmes 2019). Elles ont besoin d’un financement adéquat et récurrent pour soutenir les femmes en difficulté. Cela permettrait d'éviter le recours aux mesures d’urgence année après année.

Aide à la recherche d’un logement adéquat

Image d'une loupe comportant un point d'interrogation au dessus d'une maison.

Après un séjour en maison d’hébergement, de nombreuses femmes désirent quitter durablement une relation violente ou retrouver une stabilité résidentielle. Les groupes communautaires les soutiennent dans la recherche d’un logement correspondant à leurs besoins où elles se sentiront chez elles. Selon leur mandat, ces groupes aident les femmes à accéder aux logements sociaux : fournir des listes, de l’accompagnement, des références et de l’aide pour remplir des formulaires, etc. Ils les épaulent dans leur recherche de logement sur le marché privé : aide à la recherche, cliniques de recherche, préparation aux visites, prêt de matériel informatique pour la recherche sur internet, etc. Certaines organisations aident même les femmes en leur offrant un trousseau de base (literie, vaisselle, etc.) et des services de déménagement. 

« Les intervenantes accompagnent les femmes dans leur recherche de logement en leur donnant des pistes de référence. Elles vont également les aider à respecter leur obligation financière (transmettre leur déclaration de revenus) afin qu’elles puissent être admissibles à des logements sociaux. » (Logifem)

« Lors de leur séjour à l’Auberge, nous soutenons les femmes qui le souhaitent dans leur recherche de logement, que ce soit dans le privé ou pour faire une demande de logement social. Par exemple, nous offrons des ateliers de recherche de logement animés par une intervenante chaque semaine. Aussi, si la femme le souhaite, nous la référons vers des hébergements long terme subventionnés et l’accompagnons dans sa demande et dans l’obtention des documents nécessaires à celle-ci. » (Auberge Madeleine)

Les besoins sont urgents, mais les organisations n’arrivent pas à trouver rapidement des logements qui leur correspondent. Elles n’ont pas de choix, elles prennent le logement disponible qui leur est offert. Il n’est pas rare que ces logements soient géographiquement éloignés des services et de leurs réseaux de soutien, trop petits et ne leur plait tout simplement pas.

Selon notre questionnaire, 67 % des groupes qui offrent du logement ou de l’hébergement pour les femmes à Montréal ont dû allonger les séjours en hébergement ou en logement transitoire, notamment en raison de la crise du logement. Cette mesure, qui vise à donner aux femmes plus de temps pour trouver un logement adéquat ou obtenir une place en logement social, est devenue bien plus fréquente dans le contexte de la pandémie. Cette mesure bienveillante contribue toutefois à l’engorgement des ressources.

Plusieurs groupes répondants ont souligné la complexité de soutenir et d’accompagner les femmes à la croisée des oppressions. Au manque de logements abordables, adaptables et de taille suffisante s’ajoutent les obstacles à la recherche : barrière linguistique, faible accessibilité des sites web, etc. Pour les organisations, ce soutien est une tâche exigeante, surtout lorsqu’il faut coordonner les besoins de logement avec d’autres enjeux (ex. : santé mentale, consommation, judiciarisation, DPJ, soutien à domicile, mesures à respecter suivant une incarcération). En pandémie, soutenir les femmes à distance constitue un défi en soi, notamment pour celles qui n’ont pas d’accès internet ou de téléphone.

La recherche d’un logement accessible et adaptable est particulièrement difficile. À Montréal, il n’existe pas de ressource centralisée et complète autour des logements accessibles et adaptables disponibles ainsi que de listes d'attente de personnes en recherche. Ainsi, les logements accessibles, adaptables ou adaptés sont difficilement attribués aux personnes en situation de handicap, tant du côté des propriétaires privés que de celui des organisations responsables des logements sociaux et communautaires (Conseil des Montréalaises 2019).

Actions et services pour prévenir l’itinérance

Actuellement, on constate un manque de services culturellement adaptés aux femmes inuites et membres des Premières Nations. Les services les plus fréquemment désirés par celles qui fréquentent les organisations en itinérance sont les services de guérison spirituelle, le soutien par les pair∙es autochtones ainsi que les soins de santé physique et mentale (Latimer, Bordeleau, et Méthot 2018).

De plus en plus d’organisations offrent du soutien post-hébergement pour assurer la sécurité et la stabilité résidentielles. Ce soutien, en continuité avec un séjour d’hébergement, a fait ses preuves notamment chez celles qui ont vécu de l’itinérance, sont usagères de drogues ou vivent avec des problèmes de santé mentale (Gabet et al. 2020). Toutefois, le manque de financement, de collaboration avec les services publics et de logements abordables freine grandement la possibilité d’offrir ce soutien à un plus grand nombre de femmes.

Image de mains entrelacées et le signe féministe pour symboliser le soutien offert par les groupes sur le terrain

Au-delà des services post-hébergement, les organisations soutiennent de plus en plus de femmes en situation ou à risque d’itinérance (Partenariat pour la prévention et la lutte à l’itinérance des femmes 2019). L’arrêt ou la réduction des activités en personne de plusieurs organismes communautaires durant la pandémie a eu d’importantes répercussions sur la santé mentale et les liens développés avec les femmes accompagnées autrefois dans leurs démarches. Avec l’évolution des normes sanitaires et la reconnaissance du fait que les groupes communautaires offrent des services essentiels, plusieurs activités ont pu reprendre en personne : groupes de soutien, cafés-rencontres, sorties, ateliers d'art thérapie, etc.

Ce retour au présentiel est très apprécié après des mois de confinement. Les femmes retrouvent ainsi des lieux d’ancrage et brisent l’isolement, ce qui les aide à établir et à conserver une stabilité résidentielle. Cependant, les groupes de femmes n’ont plus les mêmes horaires ni la même souplesse d’accueil. En raison des mesures sanitaires, la plupart des activités permettent un nombre restreint de participantes, sur inscription seulement. Plusieurs ne peuvent pas se tenir au courant ou s’inscrire, car elles n’ont pas de téléphone ni d’accès internet.

Des conditions de travail mises à l’épreuve par la pandémie

Les travailleuses du communautaire ont joué un rôle essentiel durant la pandémie. Pourtant, leur rôle n’est pas pleinement reconnu; elles demeurent dans l’ombre et peu rémunérées. Des « primes COVID » ont été accordées durant la première vague, mais la plupart ont cessé au cours de l’été 2020. Certaines organisations ont tout de même adopté des mesures pour compenser cette période difficile (ex. : jours de congé, cadeaux ou primes).

Nous l’avons déjà souligné : soutenir les femmes est une tâche exigeante. Les nombreux obstacles à ce soutien (exclusion des programmes, manque de place, discrimination, listes d’attente, etc.) créent un important sentiment d’impuissance, certains besoins devant être priorisés au détriment d’autres.

« Ce sont des interventions très exigeantes, longues et complexes, nécessitant souvent une coordination/collaboration avec d’autres ressources. Parfois, il y a la difficulté à prioriser la réponse à tel besoin plutôt qu’un autre. Un sentiment d’impuissance vécu quand on se sent démuni∙e pour répondre adéquatement et rapidement ou quand on fait face à l’urgence de la situation vécue. On n’est pas capable d’offrir d’outils ou de références aux besoins urgents. » (Comité d’action des citoyennes et citoyens de Verdun)

« Il est toujours difficile et complexe d’accompagner une femme sourde en démarche de se trouver un logement. Elles font souvent face à de la discrimination multiple et, malheureusement, nous n’avons pas les allié∙es et ressources souhaités pour nous aider à accompagner adéquatement ces femmes à statut précaire. » (Maison des femmes sourdes de Montréal)

Les groupes de discussion ont révélé un important épuisement, voire une détresse chez les travailleuses. Nombreuses sont celles qui ont pris des arrêts de travail ou quitté le milieu. La pandémie et le contexte d’urgence constant qu’elle amène empêchent les organisations de bien accueillir et former de nouvelles employées, ce qui nuit ultimement à la capacité de soutenir les femmes dans leurs démarches.

Image d'une femme entourée de ses préoccupations: courriels, conflits, manque d'énergie, manque de temps et téléphone.

Une vingtaine de groupes qui offrent du logement ou de l’hébergement aux Montréalaises disent avoir eu accès aux fonds d’urgence mis en place par les gouvernements. La majorité des groupes ont utilisé les sommes reçues pour créer des services ou des ressources afin de soutenir les femmes vivant d’importants défis sur le plan de l’isolement et de l’insécurité alimentaire, mais également de la mobilité (ex. : services de repas à la porte, soutien en ligne, transport par taxi, cartes-cadeaux, embauche d’une intervenante supplémentaire). Les organisations ont aussi acheté de l’équipement de protection et d’entretien (ex. : masques, gels, lavabos, frais d’entretien supplémentaires). Enfin, plusieurs ont utilisé les fonds d’urgence pour l’achat d’équipement visant à soutenir les équipes et à améliorer leurs conditions de travail (ex. : « primes COVID », équipement de télétravail, payer les heures supplémentaires).

Certaines signalent cependant que leur organisme n’était pas admissible à ces fonds. D’autres sont critiques du fait que les programmes sont souvent orientés vers l’achat d’équipement et que leur organisation n’a pas pu soumettre de demande assez rapidement. De plus, ces programmes n’étant pas récurrents, ils ne règlent en rien le problème du sous-financement chronique, lequel nuit au recrutement et à la rétention du personnel, car il est souvent difficile d’offrir de bonnes conditions de travail ou des postes à temps plein et à long terme.

« Les organismes ont pu bénéficier de fonds d’urgence au printemps 2020, même si l’enveloppe n’était pas à la hauteur des besoins des groupes à Montréal. À l’été, on nous a annoncé d’autres fonds, mais les critères excluaient d’emblée plusieurs groupes. Il fallait démontrer les déficits causés par la pandémie, mais les organismes communautaires ne peuvent pas dépenser l’argent qu’ils n’ont pas ! Ainsi, plusieurs ont renoncé à ces fonds tandis que d’autres n'étaient pas admissibles. Au final, malgré les besoins criants, moins que 10 % de l’enveloppe a été accordée aux organismes montréalais. Lorsque les groupes et les regroupements ont revendiqué l’accès aux fonds non dépensés et un assouplissement de l’accès, le ministère de la Santé et des Services sociaux a refusé net et a répondu que les besoins n’ont pas pu être démontrés adéquatement. Pourtant, nous avons mainte fois répété que le milieu avait besoin de plus de soutien pour adapter ou augmenter leurs activités, pour répondre aux nouveaux besoins, pour appliquer les mesures sanitaires ou pour combler les pertes de revenus dues à la pandémie. » (Réseau d'action des femmes en santé et services sociaux)

Références

Carrier, Léa. 2021. « Une année record pour SOS violence conjugale ». La Presse, 10 avril 2021. https://www.lapresse.ca/actualites/2021-04-10/une-annee-record-pour-sos-violence-conjugale.php.

Conseil des Montréalaises. 2019. « Se loger à Montréal: Avis sur la discrimination des femmes en situation de handicap et le logement ». https://bit.ly/3xounFw.

Dufort, Julie. 2019. « Pratiques d’ouverture envers les jeunes LGBTQIA2S en situation d’itinérance ». Guide destiné aux organismes d’aide en itinérance ou qui œuvrent auprès de personnes à risque d’itinérance. Coalition des groupes jeunesse LGBTQ+. https://coalitionjeunesse.org/wp-content/uploads/2019/11/guide-itinerance-nov2019-final.pdf.

Flynn, Catherine, et Marie-Marthe Cousineau. 2021. « Violence faite aux femmes de la part de partenaires intimes et itinérance : mieux comprendre pour intervenir de façon concertée ». Rapport de recherche action concertées. FRQSC. https://www.fmhf.ca/sites/default/files/upload/documents/publications/cousineau_flynn_rapport_violence-femmes-itinerance.pdf.

Fontaine, Eugénie, Julie Antoine, et Julie Vaillancourt. 2021. « Enquête 2020: portrait des femmes de la diversité sexuelle au Québec ». Réseau des lesbiennes du Québec (RLQ). https://bit.ly/3l9PIh0.

Gabet, Morgane, Guy Grenier, Daniela Perrottet, et Marie-Josée Fleury. 2020. « Le soutien postlogement transitoire auprès des femmes en situation d’itinérance : besoins, implantation et impact d’une étude pilote ». Santé mentale au Québec 45 (1): 79‑103. https://doi.org/10.7202/1070242ar.

Latimer, Eric, François Bordeleau, et Christian Méthot. 2018. Besoins exprimés et préférences en matière de logement des utilisateurs autochtones de ressources communautaires sur l’île de Montréal. Montréal (Québec): Centre de recherche de l’Hôpital Douglas. http://reseaumtlnetwork.com/wp-content/uploads/2019/02/Besoins-pre-fe-rences-logement-Autochtones-Version-16-fe-vrier-1.pdf.

Mélanie Julien. 2021. « Les violences faites aux femmes en période de crise sanitaire ». Conseil du statut de la femme. avril 2021. https://csf.gouv.qc.ca/article/publicationsnum/les-femmes-et-la-pandemie/societe/les-violences-faites-aux-femmes-en-periode-de-crise-sanitaire/.

Partenariat pour la prévention et la lutte à l’itinérance des femmes. 2019. « Femmes et itinérance 2019: dossier de presse ». https://lesmaisonsdelancre.org/wp-content/uploads/2019/11/Dossier-de-presse-Femmes-et-itine%CC%81rance-en-2019.pdf.

50px