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Le dénombrement de l’itinérance à Montréal ou Comment invisibiliser l’itinérance des femmes

15 avril 2019
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Le 25 mars dernier, la Ville de Montréal a publié les résultats du plus récent dénombrement des personnes itinérantes à Montréal. Il s’agit de la deuxième initiative du type, la première ayant eu lieu en 2015. La Table des groupes de femmes de Montréal souhaite exprimer plusieurs préoccupations à ce sujet.

Ce dénombrement occulte une grande partie de la réalité de l’itinérance à Montréal et cette méthode, en plus de simplifier à outrance un phénomène complexe, ne permet pas de comptabiliser le nombre réel de personnes qui sont à la rue. En effet, l’itinérance n’est pas toujours visible : elle peut être transitoire, épisodique et surtout, cachée. Par exemple, le dénombrement ne compte que 23 % de femmes en situation d’itinérance visible à Montréal. Or, comme le souligne le RAPSIM, Statistiques Canada indique dans son étude de 2016 qu’environ la même proportion d’hommes et de femmes ont vécu une situation d’itinérance cachée au cours de leur vie. La Table des groupes de femmes de Montréal tient donc à souligner à grands traits la limite méthodologique du dénombrement et à dénoncer l’occultation de la réalité des femmes en situation d’itinérance qui subissent déjà, socialement, un déni d’existence.

La Table espère également que la Ville tiendra compte, au-delà des chiffres, des multiples visages, trajectoires et réalités des personnes en situation d’itinérance. L’analyse différenciée selon les sexes (ADS) permet de mettre en lumière les facteurs et discriminations systémiques affectant spécifiquement les femmes. Une analyse intersectionnelle tenant compte des inégalités existant entre les femmes elles-mêmes et des autres systèmes d’oppression (âgisme, capacitisme, racisme, hétérosexisme, notamment) est également nécessaire afin de dresser un portrait juste et complet des facteurs qui contribuent à précariser les montréalaises.

Tel que mentionné dans la Déclaration sur l’itinérance des femmes élaborée en 2016 par la Table des groupes de femmes et ses partenaires, la lutte à l’itinérance des femmes doit passer par un réel engagement politique. Ainsi, il est urgent de reconnaître l’expertise ainsi que la diversité des actions menées par les organismes communautaires qui travaillent chaque jour à améliorer les conditions de vie des femmes en situation d’itinérance, d’augmenter leur financement, d’accroître l’offre de logements sociaux répondant aux normes d’accessibilité universelle et, finalement, de mener des recherches d’envergure sur les enjeux spécifiques au phénomène de l’itinérance au féminin, prenant en compte l’expertise terrain.

Bien entendu, toutes ces mesures ne sauraient faire l’économie d’une lutte réelle contre la pauvreté, l’exclusion sociale et toutes les discriminations systémiques que subissent les femmes dans toute leur diversité et ce, afin que l’égalité de droit devienne une égalité de fait.

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