Le communautaire, une force de participation citoyenne
Lettre au premier ministre M. François Legault par Caroline Toupin du RQ-ACA
Monsieur le premier ministre, cette semaine nous célébrons la Semaine nationale de l'action communautaire autonome qui se tient du 22 au 28 octobre partout au Québec. Nous vous interpelons publiquement pour vous rappeler l'importance du rôle qu'endossent nos organismes dans le progrès social et l'urgence de poser un geste fort en reconnaissant leurs expertises et en les soutenant.
Le milieu de l'action communautaire autonome compte plus de 4000 organismes répartis dans toutes les régions. Il contribue à maintenir 60 000 salarié.es, ce qui représente 1,4% de l'ensemble des emplois au Québec et en fait un secteur d'emploi plus important que la fonction publique ou le secteur minier.
Il est soutenu par plus de 425 000 bénévoles qui lui offrent temps et engagement au quotidien. Il est fréquenté par des millions de personnes vivant diverses formes de difficultés. Le milieu communautaire fait partie intégrante du filet social québécois, au même titre que les services publics et les programmes sociaux. Il constitue l'une des formes de participation citoyenne la plus importante, la plus engagée et la mieux organisée au Québec.
Cette année nous avons choisi le thème « Nos luttes, nos victoires » pour la Semaine nationale de l'action communautaire autonome. Nous souhaitons mettre en lumière les acquis sociaux obtenus grâce à la contribution du mouvement communautaire. Pensons aux cliniques communautaires créées par les infirmières et les citoyen.nes qui ont inspiré le réseau des CLSC. Citons également les garderies populaires créées dans différents quartiers défavorisés de Montréal par les comités de parents qui ont inspiré le réseau des centres de la petite enfance (CPE), un modèle unique qui fait aujourd'hui la fierté du Québec.
Les organismes communautaires ont été parmi les premiers à offrir des services d'aide juridique aux personnes n'ayant pas les moyens de se payer un avocat, inspirant ainsi tout le modèle étatique de l'aide juridique. Est-ce que les conjoint.es de même sexe pourraient se marier et constituer des familles sans les luttes LGBTQ+? Est-ce qu'il y aurait eu des logements sociaux sans l'action des comités de locataires? Est-ce qu'on aurait acquis l'équité salariale sans la lutte des groupes de femmes? Aurait-on pu briser nos contrats de téléphone cellulaire sans les interventions des associations de consommateurs? Y aurait-il eu un moratoire sur les gaz de schiste sans les groupes écologistes?
Une action politique non partisane
Ces victoires collectives ne doivent pas être oubliées ou attribuées à la seule volonté des politiciens au pouvoir : il s'agit de gains remportés de hautes luttes grâce, notamment, à la contribution des gens impliqués dans le milieu communautaire.
Se remémorer ces victoires permet de comprendre que le mouvement communautaire a, depuis toujours, agit comme une locomotive du progrès social, en dehors de la partisannerie et qu'il a toujours su trouver des solutions originales et adaptées aux besoins exprimés par les gens dans les communautés.
Un mouvement mal en point
Durant la campagne électorale, nous vous avons entendu à plusieurs reprises déplorer la performance du gouvernement libéral et pointer les dégâts causés par l'austérité. Nous voilà bien d'accord avec vous. Comme vous, nous pensons que les années d'austérité imposées par le précédent gouvernement ont fait mal tant aux populations marginalisées qu'aux organismes communautaires.
Les personnes vivant des difficultés se sont butées à des portes fermées dans le réseau public et se sont naturellement tournées vers le dernier maillon du filet social, c'est-à-dire les organismes qu'elles ont elles-mêmes créés, le communautaire. Résultat : le taux de fréquentation a explosé sans que les organismes ne soient pour autant mieux financés.
Même avec les récents investissements de 2017 et 2018 totalisant 55,5 millions$, on est loin du compte puisqu'ils ne représentent que 5,5% d'augmentation de l'enveloppe totale (1G), soit à peine 11% des besoins réels exprimés par les organismes estimés à 475 millions $. Cette situation est injustifiable, d'autant plus qu'un récent sondage effectué pour le compte du Réseau québécois de l'action communautaire autonome révèle que 84% de la population se dit favorable à un financement adéquat des organismes communautaires.
Nous espérons que vous joindrez rapidement le geste à la parole en faisant de cet enjeu votre priorité ces prochains mois.
Vers une collaboration constructive
Monsieur le premier ministre, le mouvement communautaire souhaite autant que vous que les gens de la communauté soient entendus. Nous sommes un mouvement de proximité, près des gens et des problèmes qu'ils vivent.
Nous avons à cœur de placer les préoccupations des citoyennes et des citoyens au cœur de nos actions. Nous vous invitons, vous, ainsi que les différents ministres ayant sous leur responsabilité le soutien aux organismes communautaires, à miser sur nos multiples expertises, afin d'impliquer davantage les gens de la communauté dans l'amélioration de leurs droits et de leurs conditions de vie.