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Revendications Profilages

1 décembre 2025
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Les membres de la TGFM adoptent une série de revendications sur les profilages racial, social et politique

Photo profilages

 

Lors de la dernière Assemblée générale régulière du 30 octobre 2025, les membres de la TGFM ont adopté une série de revendications élaborées dans le cadre du projet Perspectives féministes sur le profilage. Ce projet visait à comprendre les expériences et discriminations vécues par les Montréalaises dans leurs interactions avec les corps policiers, la sécurité privée et les constables de la Société de transport de Montréal (STM).

À travers une approche intersectionnelle et antiraciste, la TGFM a d’abord élaboré un portrait des expériences de discrimination à partir des consultations réalisées auprès des groupes membres et de leurs usagères. Une site Web contenant des témoignages a d’ailleurs été mis en place. Par la suite, un comité de travail composé de groupes membres et partenaires a été formé afin de proposer des revendications et un plan d’action fondés sur les constats du rapport.

Après plus d’un an de travail collectif, 10 revendications ont été présentées et adoptées  par les membres. Nous vous en présentons ici une synthèse

1) Pour une intervention psychosociale ou médicale sans présence policière

En situation de détresse psychologique, nous exigeons l’intervention par des  personnes adéquatement formées en santé mentale ayant une approche  culturellement sensible (par exemple des ambulanciers, infirmier.e.s,  intervenant.e.s, etc).

Contexte 

Selon le rapport élaboré par la TGFM en 2023, Rapports entre les Montréalaises et les  forces de police, de sécurité privée et de la STM, de nombreuses personnes ont  rapporté avoir subi l’intervention d’agents de police lors de crises de santé mentale ou  de détresse psychologique. Faute de formation adéquate et d’approches culturellement  sensibles ou sécuritaires, ces interventions n'ont fait qu’aggraver la détresse au lieu de  l'atténuer.  

Le recours systématique à la police dans de telles situations contribue à judiciariser des  crises humaines qui devraient relever de soins et d'accompagnement psychosocial.  Même si certaines formations en santé mentale sont offertes aux policiers, ces  interventions ne font pas partie de leur mission première. Ce sont des équipes de santé  et de soutien spécialisées qui devraient être déployées pour assurer la sécurité et le  bien-être des personnes concernées.

2) Toute situation qui requiert un appel au 911 n’est pas un crime

Nous exigeons une meilleure répartition des appels au 911 pour assurer une  intervention appropriée selon la situation.

Contexte :  

Les premiers mots échangés avec le service du 911 sont déterminants pour la suite de  l’intervention. Dans plusieurs situations, privilégier la présence d’agents de police n’est  ni souhaitable, ni adapté, notamment lorsqu’il s’agit d’une crise en santé mentale ou  d’une personne en situation d’itinérance. Un protocole de répartition et de  référencement mieux défini permettrait d’assurer une réponse réellement appropriée,  centrée sur les besoins des personnes plutôt que sur la logique policière. Par crainte  d’une intervention répressive, plusieurs personnes choisissent d’ailleurs de ne pas

appeler le 911, même en cas de besoin, un signe clair de la nécessité d’un système plus  humain et sécurisant pour toutes et tous.  

Selon notre rapport de 2023, plus de 200 personnes ont eu besoin de faire appel au  Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) mais ne l'ont pas fait. Divers motifs ont  été mentionnés : éviter de la violence supplémentaire, voir la police comme ‘inutile” par  rapport à la situation, pas de confiance, des raisons politiques ou idéologiques, peur de  ne pas être crue ou écoutée et des procédures trop longues, etc.

3) Exigeons un réseau de santé gratuit, plus accessible et inclusif

Renforcer, financer et mettre en place plus de services et de soins en santé mentale adaptés culturellement aux diverses populations.

Contexte : 

Il est temps de déployer davantage d'efforts dans la prévention des problèmes de santé,  particulièrement en santé psychologique, un domaine historiquement négligé. Une  diversité de services doit être accessible pour répondre aux besoins des différentes  populations sur le territoire de Montréal/Tiohtià:ke. Les services doivent avoir du personnel dûment formé à l’adaptation culturelle. Il est aussi essentiel que les  institutions aillent à la rencontre des communautés historiquement marginalisées afin  de bâtir un lien de confiance et de faciliter un réel accès aux soins.

4) Valorisons le savoir-faire du milieu communautaire

Nous exigeons un financement accru et récurrent des organismes communautaires pratiquant le travail de rue et de milieu par une meilleure répartition du budget municipal

Contexte :

Les équipes mixtes, composées d’intervenant-e-s communautaires et de policiers,  occupent une place grandissante dans les interventions de rue auprès des personnes  marginalisées. Or, les organismes communautaires ont depuis longtemps développé des  approches adaptées et non-coercitives, fondées sur la confiance et la connaissance du  terrain. S’ils bénéficiaient d’un financement adéquat et récurrent, avec le soutien de la  Ville de Montréal, le recours à ces brigades mixtes deviendrait inutile.  

Une meilleure distribution du budget municipal dont presque 20% est alloué à la sécurité publique permettrait de renforcer les actions communautaires surtout dans le  contexte actuel de crise de logement. Cette redistribution efficace des sommes viendrait compléter le financement déjà octroyé par le palier provincial.

5) Réparation, justice et dignité pour tout le monde

La fin de la judiciarisation et de la criminalisation systématique des populations déjà marginalisées

Contexte : 

Ce sont surtout les personnes issues de milieux défavorisés, les minorités racisées, les  personnes en situation de précarité, souffrant de troubles de santé mentale ou travailleuses du sexe qui se  retrouvent le plus souvent confrontées au système judiciaire, ce qui montre que  certaines populations sont beaucoup plus exposées à la judiciarisation et à  l’incarcération que d’autres.  

Selon le portrait de 2019, Portrait de la judiciarisation des Premières Nations au Québec  : l’amorce d’un virage nécessaire, “La judiciarisation des membres des Premières  Nations est cinq à six fois plus élevée que celle des non-Autochtones” (CSSSPNQL, 2019).  Selon un autre rapport, “Les Inuit connaissent le plus haut taux d’incarcération  provincial, la plus forte progression dans le temps, la plus grande proportion de femmes  incarcérées, ainsi que les peines les plus longues “ (Chéné, 2018).

6) Mettons en valeur la justice alternative et réparatrice

Promotion et financement des solutions alternatives de justice, notamment la  justice réparatrice et la médiation, comme approches prioritaires face au système  punitif traditionnel.

Contexte :

À Montréal, les interventions policières et le système judiciaire continuent de  reproduire des inégalités, touchant particulièrement les personnes racisées,  autochtones, en situation d’itinérance ou de pauvreté. Ces populations sont souvent  judiciarisées pour des réalités liées à la précarité ou à la santé mentale, qui ne devraient  pas relever du domaine criminel. La justice réparatrice et la médiation privilégient la  réparation, la responsabilisation et la restauration des liens plutôt que la punition. En  favorisant la cohésion sociale et la dignité, elles offrent des solutions durables à la  surjudiciarisation. Nous demandons que ces pratiques soient reconnues et soutenues  concrètement par le financement des organismes qui les portent, leur intégration dans  les politiques municipales et la formation des acteurs du système judiciaire à ces  approches alternatives.

7) La liberté d’expression doit rester un droit fondamental

Non au profilage politique, oui à la liberté d'expression et de manifester pour la  défense collective de nos droits.

Contexte :

À Montréal, des personnes et des groupes continuent d’être ciblés pour leur  participation à des actions politiques ou à des manifestations. Le profilage politique se  traduit par la surveillance, l’intimidation, les arrestations préventives et les amendes  abusives, limitant la liberté d’expression et la mobilisation collective. Nous réaffirmons  que le droit de manifester et de s’exprimer publiquement doit être pleinement  respecté, et que la sécurité publique ne saurait servir de prétexte pour restreindre la  contestation sociale. Dans un sondage réalisé par la TGFM, sur 413 personnes ayant eu  des interactions avec la police, 98 (soit, environ ¼) indiquent que leurs « convictions  politiques » ont été un facteur influent lors des interactions. Trente témoignages  qualitatifs relatent des situations de profilage ou de répression politique,  essentiellement lors de manifestations (mouvement étudiant, luttes autochtones, luttes  antiracistes, luttes anticapitalistes, luttes écologistes). (TGFM, 2023) 

8) Exister dans l’espace public n’est pas un motif d’interpellation

Exigeons la fin des interpellations policières arbitraires, sans motif précis, qui  perpétuent le profilage et la discrimination systémique.

Contexte :

À Montréal, la pratique des interpellations policières, ou street checks, demeure une  source documentée de profilage racial et social. Selon le rapport élaboré en 2019 par  Armony, Hassaoui et Mulone, “les femmes autochtones sont 11 fois plus interpellées  par les policiers que les femmes blanches” (Armony et all, 2019).  

Malgré les nombreuses mobilisations citoyennes et les décisions judiciaires récentes, le  SPVM continue d’y recourir, ciblant de manière disproportionnée les personnes noires,  autochtones, racisées, en situations d’itinérance, travailleuses du sexe ou vivant des  enjeux de santé mentale. En 2024, la Cour supérieure du QC a reconnu que ces  interpellations constituent une source de profilage racial systémique. Pourtant, la Ville  de Mtl refuse toujours d’imposer un moratoire complet, contrairement aux  recommandations de chercheur-euse-s indépendant-e-s et d’organismes de défense de  droits. Les ajustements récents du SPVM, tels que l’obligation d’informer les personnes  qu’elles sont libres de partir, demeurent largement insuffisants. Exister dans l’espace 

public, marcher, attendre un bus ou s’asseoir dans un parc ne doit jamais être perçu  comme un motif d’intervention policière. La sécurité publique ne peut se construire au  détriment des droits et libertés fondamentales.  

9) Exigeons une révision systématique des politiques municipales

Les règlements municipaux doivent être dénués de profilage social et racial. Ces  profilages touchent disproportionnellement les personnes marginalisées, racisées  et en situation de précarité.

Contexte :

Depuis plus de dix ans, des organismes communautaires, juridiques et de défense des  droits réclament la révision des règlements municipaux qui alimentent le profilage racial  et social à Montréal. Formulés de manière vague, ces règlements servent souvent à  sanctionner des comportements liés à la survie ou à la précarité, comme dormir sur un  banc, se promener, ou consommer de l’alcool dans un parc. Ils deviennent ainsi des  outils de contrôle ciblant les personnes en situation d’itinérance, les travailleuses du  sexe, les personnes racisées ou autochtones, et celles vivant des enjeux de santé  mentale. Malgré l’engagement pris par la Ville de Montréal en 2017 de revoir ces  règlements, le processus stagne toujours. Aucun changement réel n’a été apporté  depuis, témoignant d’un manque de volonté politique à mettre fin à des pratiques  discriminatoires pourtant largement documentées. 

Voir : Révision des règlements municipaux porteurs de profilage : l’inertie de la Ville Montréal - Ligue des  droits et libertés  

10) Être dans la rue, ce n’est pas du flânage

Ne pas criminaliser la présence et la mobilité des personnes sans-abris, notamment dans les transports en commun.

Contexte :

La Société de transport de Montréal (STM) interdit désormais la présence prolongée  dans les stations de métro, qualifiant cette réalité de "flânage". Cette terminologie  masque le fait que de nombreuses personnes en situation d’itinérance n’ont  simplement nulle part où aller pendant la fermeture des haltes d’urgence. En banalisant  ainsi les enjeux de cohabitation, la STM met en place des mesures qui renforcent le  profilage social et criminalisent la simple présence dans l’espace public. Être dans la rue  n’est pas un délit, c’est une conséquence directe des politiques qui manquent de  compassion et de solutions structurelles.

Les membres de la TGFM ont contribué à ce travail collectif. Leurs expertises et engagement renforcent la capacité de la TGFM à lutter contre les profilages et à faire la promotion d’un accès plus sécuritaire à la ville. 

Pour toute implication ou collaboration, n’hésitez pas à contacter Laura Carli laura.c@tgfm.org et Amira Issa amira.i@tgfm.org

 

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