50px

En mémoire de Nooran, pour une protection de la jeunesse racisée

16 décembre 2025
25px
Bloc texte
Projection faite par Le sémaphore à sur des batîments publics à la mémoire de Nooran
Projection faite par Le sémaphore à sur des batîments publics à la mémoire de Nooran (lesemaphore.org)

Nous ne pouvons partager nos revendications sur les profilages sans mentionner la mort tragique du petit Nooran Rezayi, âgé d’à peine 15 ans, assassiné par balle par un agent du Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL) dans l’arrondissement de Saint-Hubert le 21 septembre dernier.

 

La mort de Nooran n’est pas un incident isolé, mais plutôt l’expression d’un système qui historiquement profile, exclut et brutalise les jeunes racisés. Sa mort, qui a fait trembler le Québec entier, a ravivé les blessures d’une autre mort tragique, soit celle du jeune Fredy Villanueva, abattu par le policier Jean-Loup Lapointe en août 2008 lors d’une interpellation abusive à Montréal-Nord. Il s’en est suivi un mouvement de contestation puis une enquête publique du coroner. Malgré les multiples promesses des autorités, tant municipales que provinciales, aucune accusation criminelle n’a été portée contre le policier qui a tué Fredy. En mars de cette année, des agents du SPVM ont tué Abisay Cruz, jeune père d’un garçon de 9 ans, lors d’une intervention à son domicile dans le quartier Saint-Michel en toute impunité alors qu’il semblait être en crise. 

 

Dans cette optique, on voit la dynamique :  la mort de ces jeunes racisées est le produit du profilage racial systémique et plus globalement du racisme. En effet, c’est un appel au 911 qui a amené les patrouilleurs à interpeller et profiler un groupe de jeunes adolescents dont Nooran. Cette dernière tragédie est arrivée à Longueuil, mais elle aurait pu très bien se passer à Montréal puisque le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) refuse toujours d’interdire les interpellations policières. Malgré les multiples appels de plusieurs organisations de défenses de droits, dont la TGFM, d’abolir les interpellations policières, le SPVM refuse d’y poser un moratoire et s’entête à légitimer ces pratiques, notamment avec la réforme de sa politique en mai dernier. À nos yeux, cette « réforme » ne vise pas à abolir l’arbitraire des interpellations, mais oblige les policiers à « informer la personne interpellée, au début de l’intervention, de la raison de son interpellation et du fait qu’elle est libre de quitter ». Même si cette nouveauté permettrait de réduire le nombre d’interpellations, elle ne limitera pas le profilage racial et social. Malgré cette politique, à Montréal, est-ce qu’un jeune, comme Nooran, aurait eu le temps de demander s’il est libre de quitter sans se faire viser par des tirs ? 

 

En 2016, le Bureau des enquêtes « indépendantes » (BEI) a été créé afin de mettre fin aux anciennes pratiques d’investigation, soit « les enquêtes de la police sur la police » dans le cas d’abus et meurtres policiers. Désormais, c’est le BEI qui est « la force spéciale l’instance responsable d’investiguer ces situations. Malheureusement, après près de 10 ans de fonction, le constat du BEI est troublant : c’est une institution qui n’est pas indépendante de la police, qui consolide l’impunité policière et qui manque « cruellement de transparence et d’impartialité » (Ligue des droits et libertés (LDL). En effet depuis 2016, le BEI a mené 477 d’enquêtes indépendantes, dont seulement 2 ont été conclues par des procédures judiciaires, ce qui représente 0,43 % des enquêtes. Or, jusqu’à présent aucune de ces accusations n’a abouti à une condamnation en justice pour la mort d’une personne tuée par la police (LDL). À la suite de la mort de Abisay et de Nooran, la méfiance de la population envers cette institution refait aujourd’hui surface, ce qui amène à requestionner dans l’ensemble les mécanismes de protection envers les bavures policières.

 

En plus d’interdire définitivement les interpellations aléatoires, lesquelles sont trop souvent commises à cause de biais racistes, d’autres mesures peuvent être mises en place pour éviter ce type de tragédie. Comme il se fait déjà dans d’autres sociétés, les agents de police n’ont pas besoin de porter des armes dans toutes les situations. Dans le cas du jeune Nooran, aurait-il été ciblé par des tirs si les policiers n’étaient pas armés? 

 

La mort du petit Nooran fait bien sûr écho aux revendications relatives au profilage et au droit à la ville portées par la TGFM. Nous tenons à exprimer notre totale solidarité avec sa famille, ses ami.es et sa communauté. À nos yeux, une société qui tolère les violences infantistes est une société qui échoue à protéger sa jeunesse. Et à titre d’organisation féministe intersectionnelle, il est plus qu’essentiel de dénoncer l’impunité policière et de protéger les jeunes, en particulier les jeunes personnes racisées, des violences structurelles. Il est inacceptable de continuer de transmettre le message que cette jeunesse ne peut vivre librement et collectivement au risque d'être systématiquement profilée, blessée, voire tuée. Et parce que les violences policières ne touchent pas seulement les personnes qui en sont directement victimes, mais elles marquent aussi les mères, les sœurs et les grands-mères qui portent le deuil, la souffrance et la charge.

 

À l’heure actuelle la famille de Nooran continue à exiger justice dans un contexte où elle n’a aucun soutien financier comme dans le cas des victimes d’actes criminels. Il est possible de les soutenir financièrement via cette levée de fonds : https://www.gofundme.com/f/justice-pour-nooran-rezayi  

 

L'histoire de Nooran ne doit pas être oubliée et nous souhaitons honorer sa mémoire.

 

Projection faite par Le sémaphore à sur des batîments publics à la mémoire de Nooran
Projection faite par Le sémaphore à sur des batîments publics à la mémoire de Nooran (lesemaphore.org)
25px
50px